Valeurs limites RNI: pourquoi «conforme» ne veut pas dire «protégé»
Les valeurs limites d’exposition aux RNI (rayonnements non ionisants / ondes électromagnétiques) sont souvent perçues comme une garantie de sécurité. En réalité, elles indiquent surtout : “vous êtes dans le cadre réglementaire” — pas “vous êtes protégé dans votre santé, à long terme, et quelles que soient vos sensibilités”.
Idée centrale: les valeurs limites sont un compromis. Elles visent à limiter certains effets officiellement reconnus, tout en permettant le développement des infrastructures numériques.
À retenir en 30 secondes!
- Les seuils varient selon les pays : notre biologie ne change pas à la frontière → ça révèle une part arbitraire (choix politiques, économiques, techniques).
- Les normes officielles s’appuient surtout sur l’ICNIRP, avec un objectif principal : éviter les effets thermiques qui sont des effets à court terme (échauffement).
- C’est dommage de se focaliser sur le court terme : dans la vraie vie, on est exposés sur le long terme, toute une vie.
- Les valeurs sont souvent basées sur des moyennes : or le corps peut réagir aussi aux pics.
- Il existe une règle de cumul multi-fréquences dans les évaluations, mais la loi ne protège pas votre cumul personnel dans votre quotidien (Wi-Fi, DECT, objets connectés, habitudes d’usage, etc.).
- Les humains ne sont pas “standard” : vulnérabilité individuelle = grande absente des limites “taille unique”.
- Des référentiels indépendants (SBM-2015 / baubiologie, BioInitiative…) proposent une logique plus préventive santé.
1) Des limites différentes selon les pays: serait-on plus ou moins fragile en passant la frontière ?
En Suisse, la Confédération applique des valeurs limites plus basses que dans de nombreux pays voisins: environ 4 à 6 V/m pour les “lieux à utilisation sensible” (ORNI), contre 61 V/m selon les recommandations internationales. Et ailleurs, les seuils changent encore : l’Italie, la Belgique ou la France n’ont pas les mêmes références.
Question simple: serions-nous biologiquement plus fragiles en Suisse? Évidemment non.
Cette simple comparaison montre que les valeurs limites ne sont pas une loi naturelle du corps humain, mais des valeurs administratives, issues de choix techniques, économiques et politiques.
2) Thermique vs athermique: le grand “angle mort” des valeurs limites
Les cadres officiels reposent largement sur l’ICNIRP - Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants-,(recommandations de 1998, grande mise à jour radiofréquences en 2020).
Le principe dominant : fixer des seuils sur les effets officiellement reconnus comme suffisamment établis pour faire norme — surtout l’effet thermique, effet à court terme (échauffement des tissus).
Autrement dit : la norme est conçue pour éviter de “cuire” les tissus, pas pour tenir compte des effets dits athermiques, plus subtils, qui concernent le long terme (stress oxydatif, troubles du sommeil, mémoire, etc.).
Et c’est dommage : car dans la vraie vie, nous ne sommes pas exposés quelques minutes, mais toute notre vie, depuis notre naissance!
Ne regarder que les effets thermiques, c’est comme évaluer la nocivité du soleil uniquement sur les coups de chaleur — en oubliant le bronzage, les taches, ou le cancer de la peau.
3) Les effets athermiques: bien documentés, mais pas “officiels”
De nombreuses études scientifiques montrent pourtant des effets biologiques à faibles niveaux: stress oxydatif, altération de l’ADN, perturbation hormonale, troubles du sommeil, etc.
Le document Info-EMF – 5G et impacts sanitaires (2022) cite notamment le groupe suisse BERENIS, qui observe dans une majorité d’études un stress oxydatif accru, y compris à des niveaux d’exposition inférieurs aux valeurs limites suisses.
Mais tant que ces effets ne sont pas considérés comme “établis au consensus international”, ils ne servent pas à définir les limites.
Résultat: ces effets “non thermiques” à « long terme » sont présents dans la littérature scientifique, mais pas dans la loi.
4) En Suisse, l’OFEV le dit clairement : les valeurs limites ne garantissent pas l’innocuité
L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) reconnaît que les valeurs limites de l’installation (ORNI) ont été fixées selon des critères techniques, économiques et d’exploitation, et que leur respect ne permet pas d’exclure toute conséquence néfaste pour la santé.
En clair : ces valeurs servent à réguler l’aménagement du territoire et le déploiement du numérique, pas à garantir qu’aucun effet ne surviendra sur la santé humaine.
5) Le piège des moyennes: “Monsieur l’agent, j’ai roulé à 100 km/h… en moyenne!”
Les contrôles officiels utilisent des moyennes temporelles (souvent sur 6 minutes). Cela permet de simplifier la réglementation des mesures, mais le corps humain ne réagit pas à des moyennes. Il réagit à ce qu’il reçoit, aux pics, aux pulsations, aux saccades d’intensité.
Imaginez un conducteur arrêté à 180 km/h qui dit au policier: “Mais enfin, sur la journée, j’ai roulé à 100 km/h de moyenne!” Le radar, lui, s’en moque. Et votre organisme aussi: il ressent les pics, pas la moyenne Excel. Et une partie du débat public porte précisément sur ces dynamiques.
6) Le “cumul”: oui (en partie) pour les antennes… non pour votre cumul perso à domicile et au travail
Officiellement, la Suisse prévoit bien une règle de cumul pour additionner les contributions de plusieurs fréquences sur un même site (ORNI, annexe 2). Mais cette règle s’applique aux installations fixes (antennes, lignes). Elle ne s’applique pas aux appareils électriques et sans fil (smartphone, Wifi, DECT, etc). Donc la loi peut limiter une antenne… mais elle ne peut pas «additionner» pour vous: votre WiFi, Bluetooth, objets connectés, téléphone sous l’oreiller (oui, ça existe), etc.
Humour
«Je ne comprends pas… je n’ai bu qu’un verre de vin, un verre de whisky, un verre de liqueur et un digestif. Individuellement, tout va bien!» Sauf que le foie, lui, fait la somme.
7) Une valeur unique pour des humains multiples
Comme pour le soleil, nous ne réagissons pas tous de la même façon : âge, santé, antécédents, expositions professionnelles, IRM, radios, métaux lourds, facteurs de susceptibilités, électrocutions, etc.
Il est donc cohérent de penser qu’il existe aussi un “capital ondes” propre à chacun. Or, les valeurs limites sont des chiffres “taille unique”.
Elles ne protègent pas nécessairement ceux devenus plus sensibles, alors même que la Constitution fédérale suisse (préambule) rappelle que “la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres”.
8) Normes indépendantes: une autre philosophie, santé d’abord!
Pour combler ce vide, des références indépendantes proposent des valeurs bien plus basses:
- SBM-2015 (Baubiologie allemande) : logique de précaution, mesures en pics, seuils de 0,06 V/m pour un environnement “idéal” de sommeil.
- BioInitiative (2012): regroupe plus de 1800 publications et recommande des niveaux de précaution 1000 fois plus bas que les normes officielles.
Ces repères n’ont pas force de loi, mais ils traduisent une autre philosophie: protéger la santé. Ils ne cherchent pas à définir un minimum légal «compatible» avec un déploiement massif.
En résumé, ce que la norme garantit / ne garantit pas
| Garantit | Ne garantit pas |
|---|---|
A éviter les effets thermiques aigus (échauffement des tissus) | La prévention des effets athermiques (biologiques, à long terme) |
Un cadre légal harmonisé pour déployer des infrastructures | La prise en compte votre cumul personnel d’exposition |
La protection de chaque individu selon sa sensibilité personnelle, y compris les plus vulnérables |
En conclusion
Les valeurs limites actuelles ne sont ni inutiles ni suffisantes : elles servent à éviter les effets les plus évidents, mais pas à garantir une absence de risque.
Elles traduisent un compromis entre développement technologique et acceptabilité sanitaire, plus qu’un bouclier biologique universel.
En résumé:“Être dans les normes” ne veut pas dire “être protégé”. Cela veut simplement dire: “être dans le compromis que la société a jugé acceptable”.
FAQ
Elles encadrent surtout un risque minimum “officiellement reconnu” et un niveau jugé acceptable. Elles ne garantissent pas une protection universelle.
Parce qu’ils intègrent des choix politiques/économiques/techniques, pas uniquement des “seuils biologiques”.
Thermique = échauffement des tissus (court terme). Athermique = effets biologiques discutés sans échauffement mesurable, souvent associés au long terme.
Parce que la moyenne peut masquer des pics. Or le vivant peut réagir à des variations/pulsations.
Il existe une logique de cumul multi-fréquences dans les évaluations, mais cela ne remplace pas la réalité du cumul personnel dans le quotidien de la personne (domicile, travail, etc).
Elles appliquent davantage le principe de précaution santé, surtout pour les lieux de repos.
C’est un signal social et sanitaire important. Le débat porte ensuite sur la causalité, les mécanismes, et la manière dont une norme doit protéger même en cas d’incertitude.
Réduire l’exposition quand c’est raisonnable, surtout pour les personnes sensibles, tout en demandant une réglementation plus cohérente avec le long terme.
Ressources
- ICNIRP (recommandations 1998 / mise à jour RF 2020)
- OFEV / ORNI (Suisse) + publications BERENIS
- SBM-2015 (Building Biology)
- BioInitiative 2012
- Info-EMF (brochures)